jeudi 14 juillet 2016

La messe sans la communion pour les divorcés remariés? article paru dans la revue catholique russe Radouga

La messe sans la communion ?
Une messe d'antan: distribution du pain bénit

L’Église désire qu'on communie à la messe

Le 20 décembre 1905 (oui ce n'est pas très récent!), sous le pape saint Pie X, fut promulgué un décret du Saint-Siège, appelé décret Sacra Tridentina, qui commence par ces mots : Le saint concile de Trente, ayant en vue les ineffables trésors de grâces que les fidèles retirent de la réception de la très sainte Eucharistie, dit : Le très saint Concile souhaiterait qu'à chaque messe les fidèles qui y assistent ne se contentent pas de communier spirituellement, mais reçoivent encore réellement le sacrement eucharistique (session XXII, chap. VI). Ces paroles montrent assez clairement combien l’Église désire que tous les fidèles s'approchent chaque jour de ce banquet céleste et en retirent des effets plus abondants de sanctification.
Plus loin dans ce même décret on peut lire ceci : La communion fréquente et quotidienne, étant souverainement désirée par Notre-Seigneur Jésus-Christ et par l’Église catholique, doit être rendue accessible à tous les fidèles
chrétiens de quelque classe et de quelque condition qu'ils soient, en sorte que nul, s'il est en état de grâce et s'il s'approche de la sainte Table avec une intention droite, ne puisse en être écarté.
Il y a donc une condition nécessaire pour pouvoir communier, c'est d'être en état de grâce. Communier en état de péché mortel constitue un grave sacrilège, une profanation du sacrement, comme déjà saint Paul l'avait dit : Et celui qui aura mangé le pain ou bu la coupe du Seigneur d’une manière indigne devra répondre du corps et du sang du Seigneur. On doit donc s’examiner soi-même avant de manger de ce pain et de boire à cette coupe. Celui qui mange et qui boit mange et boit son propre jugement s’il ne discerne pas le corps du Seigneur. C’est pour cela qu’il y a chez vous beaucoup de malades et d’infirmes et qu’un certain nombre sont endormis dans la mort.(I Cor. 11, 27-30)

Certains ne peuvent communier

De nos jours, on agite beaucoup la question des divorcés remariés civilement ainsi que celle des personnes qui sont dans des situations irrégulières du point de vue de l’Église, par exemple celles qui vivent en concubinage. Il s'agit de ce que le droit canon appelle des pécheurs publics. On ne porte pas de jugement sur la conscience de ces personnes (Dieu seul connaît le fond du cœur de l'homme!) mais on dit que d'un point de vue objectif, ces personnes sont dans une situation de vie, contraire à la loi de Dieu, et que cela étant public et connu, il y a un scandale pour la communauté chrétienne. Elles ne peuvent donc pas s'approcher de l'eucharistie, lorsqu'elles participent à la messe.
A ce sujet, citons deux textes récents du magistère. D'abord voici ce que dit saint Jean-Paul II, au n° 84 de son exhortation apostolique Familiaris consortio (22 novembre 1981) : L’Église, cependant, réaffirme sa discipline, fondée sur l’Écriture Sainte, selon laquelle elle ne peut admettre à la communion eucharistique les divorcés remariés. Ils se sont rendus eux-mêmes incapables d'y être admis car leur état et leur condition de vie est en contradiction objective avec la communion d'amour entre le Christ et l’Église, telle qu'elle s'exprime et est rendue présente dans l'Eucharistie. Il y a par ailleurs un autre motif pastoral particulier: si l'on admettait ces personnes à l'Eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et comprendraient mal la doctrine de l’Église concernant l'indissolubilité du mariage. La réconciliation par le sacrement de pénitence - qui ouvrirait la voie au sacrement de l'Eucharistie - ne peut être accordée qu'à ceux qui se sont repentis d'avoir violé le signe de l'Alliance et de la fidélité au Christ, et sont sincèrement disposés à une forme de vie qui ne soit plus en contradiction avec l'indissolubilité du mariage. Cela implique concrètement que, lorsque l'homme et la femme ne peuvent pas, pour de graves motifs - par l'exemple l'éducation des enfants -, remplir l'obligation de la séparation, «ils prennent l'engagement de vivre en complète continence, c'est-à-dire en s'abstenant des actes réservés aux époux ».
Ensuite, citons le pape François, dans son exhortation apostolique Amoris laetitia, au n°301 : Par conséquent, il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite ‘‘irrégulière’’ vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. Le pape introduit ici une certaine distinction entre le for externe et le for interne. Il y a d'une part la situation externe et publique, connue de tous, qui est irrégulière du point de vue de l’Église et de la loi divine. D'autre part, il y a le fond de la conscience personnelle. Cela regarde aussi le confesseur qui accompagne les personnes en question, avec lesquelles, dans le cadre d'un discernement individualisé et prudent, il peut conclure que l'âme peut avoir la certitude morale d'être en état de grâce. Malheureusement, à mon sens, le pape ne développe pas suffisamment sa pensée. Je pense donc qu'il faudrait que des précisions ultérieures soient apportées pour que l'on puisse voir plus clair.
En attendant, disons ce qui est fermement établi. D'abord une personne qui est en état de péché mortel ne peut absolument pas communier, tant qu'elle n'a pas été réconciliée par le sacrement de réconciliation, qui implique la volonté d'éviter le péché mortel à l'avenir. Si par contre, une personne en situation irrégulière a la certitude morale de ne pas être privée de la grâce sanctifiante, elle peut communier là où sa situation n'est pas connue, mais elle doit s'abstenir de le faire là où il y aurait un scandale public.
Quand je parle de certitude morale, je veux dire que dans ce domaine de l'état de grâce, on ne peut jamais avoir une certitude absolue. La certitude morale cependant suffit. Quand on a conscience de ne pas désobéir gravement à la loi divine, cela suffit pour pouvoir communier. Dans le cas où on se tromperait de fait, la communion effacerait le péché et nous mettrait dans la grâce de Dieu. C'est ce que dit la théologie la plus classique.

La communion spirituelle

Ces principes fondamentaux étant clairement établis venons-en maintenant aux applications spirituelles. Cela concerne d'abord les cas où l'on ne peut pas communier, alors qu'on voudrait ou pourrait même le faire. Comment assister fructueusement à la messe, sans participer directement à la sainte table ? Pour certains c'est une souffrance. Pourtant cela peut être dépassé, si on tient compte de ce que la doctrine de l’Église nous enseigne. Et alors même sans communion la messe pourra être source de grâce, de joie et de bonheur.
En fait, je me suis trouvé plusieurs fois dans ce cas. En effet il m'est arrivé, lors de voyages œcuméniques, d'assister à des liturgies en pays orthodoxe, au cours desquelles il m'était impossible de communier. J'assistais à de vraies messes, dans lesquelles le Seigneur était réellement présent et s'immolait sur l'autel en s'offrant à son Père, pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Mais au moment de la communion, je devais rester à ma place et me contenter ensuite du pain béni.
Il faut alors pratiquer ce qu'on appelle la communion spirituelle. Selon saint Alphonse de Liguori, la communion spirituelle peut apporter autant de grâce que la communion sacramentelle, lorsque cette dernière n'est pas possible. Cette communion spirituelle consiste à se tourner vers le Christ pour lui dire qu'on l'aime et lui demander de venir spirituellement dans notre cœur pour le remplir de son amour et de sa grâce. Une telle prière est entendue et exaucée par le Seigneur et la joie que le Christ nous donne alors compense surabondamment la peine que nous fait la privation du sacrement. Du reste dans la journée nous pouvons multiplier ces communions spirituelles, notamment lors d'une visite au Saint-Sacrement que nous pouvons faire en entrant à l'église à un moment ou l'autre. En agissant ainsi, à la longue, notre vie chrétienne sera joyeuse et heureuse. Comme le disait sainte Thérèse de Lisieux, tout est grâce et lorsque nous sommes, même pendant un long temps, privés des sacrements, l'amour et la miséricorde de Dieu ne nous font jamais défaut.

Valeur de la messe en soi, indépendamment de la sainte communion

Mais il y a quelque chose à ajouter. La messe sans la communion a une valeur infinie en soi. C'est le sacrifice du Christ, par lequel une adoration, une action de grâce et une expiation infinies sont offertes à Dieu, ainsi qu'une source illimitée de grâces pour nous-mêmes, pour ceux pour qui nous prions et pour le monde entier. Assister à la messe n'est donc jamais une perte de temps. Nous y sommes réconfortés par l'écoute de la Parole de Dieu, qui nous illumine. Nous prions et notre prière est unie à la prière du Christ. Nous obtenons le pardon de nos fautes et nous apportons la miséricorde de Dieu à nos chers défunts. Dans le cas particulier d'une âme qui demeure dans le péché mortel, l'assistance habituelle à la messe finira par lui apporter la grâce de la conversion. Ainsi donc l’Église nous incite à redécouvrir la richesse de ce trésor infini qu'est la messe.
J'aimerais, dans le cadre de cette réflexion sur le cas des personnes qui ne peuvent communier, émettre un souhait. Ce serait de rétablir dans la liturgie catholique ce qui existait autrefois et qui existe encore dans l’Église orthodoxe, à savoir l'usage du pain béni. Ce pain était bénit lors de l'offertoire et distribué à tous, après la communion, au moment de la bénédiction finale et du renvoi. Cela permettrait de faire sentir à ceux qui ne peuvent communier qu'ils ne sont pas exclus et qu'ils sont encore membres à part entière du corps de l’Église. Comme tout sacramental, le pain béni apporte des grâces à ceux qui le prennent avec les dispositions de foi et de confiance requises.

Conclusion : la sagesse de l’Église

Sous une apparence sévère, l’Église cherche toujours à être miséricordieuse, mais la miséricorde ne peut être détachée de la vérité ni de la sainteté de Dieu. Nous devons donc suivre les règles qu'elle édicte, car en toutes choses, ce que l’Église recherche c'est le bien et le salut des âmes.





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