lundi 18 septembre 2017

La liturgie et les migrants, article

La liturgie et les migrants

Considérations chrétiennes sur le devoir d'hospitalité

La question des migrants est à l'ordre du jour et suscite des débats passionnés. Sur ce sujet comme sur d'autres, l’Église tient les deux bouts de la corde : accueil de l'étranger et nécessité aussi de sauvegarder le bien commun du pays qui accueille.
L’Évangile nous demande d'accueillir l'étranger, le voyageur, le pèlerin, et d'une manière générale toute personne en difficulté et qui a besoin de notre aide. Notre maison doit être ouverte à toute détresse. Notre devoir vis-à-vis des migrants qui viennent chercher refuge chez nous doit être une attitude de sympathie, d'estime, d'ouverture.
Toutefois, si l'hospitalité est sacrée, et l'orient là-dessus nous donne souvent un témoignage émouvant (car on sait se mettre là-bas dans la gêne pour accueillir à l'improviste qui que ce soit), il existe aussi ce que les orientaux appellent l'abus de l'hospitalité. Lorsque la personne accueillie ne respecte pas certaines règles, alors on a le droit, voire le devoir, de la mettre dehors. La bonté ne doit pas se transformer en bêtise.

La règle de saint Benoît demande aux moines d'accueillir les hôtes, surtout les pauvres et les pèlerins, comme le Christ. Mais il est dit ceci quand quand un hôte survient au monastère: Dès qu'un hôte est annoncé, le supérieur et les frères iront l'accueillir avec une charité toute prête au dévouement. D'abord qu'ils prient en commun, ensuite qu'ils communient dans la paix; mais ce baiser de paix ne sera pas offert sans que la prière l'ait précédé, à cause des illusions diaboliques (Règle, chap. 53). Concernant l'accueil d'un moine venu d'ailleurs, la Règle bénédictine est formelle: Si, pendant le temps de son hébergement, on le trouve exigeant et vicieux, non seulement il ne faut pas l'agréger au corps du monastère, mais on devra lui dire honnêtement de se retirer, pour que sa misère n'en contamine pas d'autres (Règle, chap. 61).
Oui, l'hospitalité est une loi évangélique mais elle a ses règles. Mais si cela est déjà vrai du précepte de l'accueil, lorsqu'il s'adresse à des personnes particulières, qu'en est-il des États?
Nous quittons ici le domaine de la charité pour entrer dans celui de la politique. Le grande loi morale de la politique d'un État c'est qu'elle doit chercher le bien commun de ses membres. Or le sens du bien commun fait cruellement défaut de nos jours à nos politiques, par carence d'une vraie philosophie politique. Il faut en effet un discernement car la vertu de prudence est la vertu principale d'un chef politique. Or notre monde manque gravement à cette vertu. S'il faut accueillir les personnes qui sont réellement en danger et qui sont prêtes à accepter les règles élémentaires de l'hospitalité, par contre il faut se défendre contre une invasion et garantir la sécurité de nos États.
Dans cet article nous voudrions aborder la liturgie comme ouverture à l'autre, spécialement au pauvre, et parler du Christ comme celui qui fait l'unité entre les deux peuples, celui qui accueille et celui qui est accueilli. Nos propos ne concernent donc que le cas de migrants, qui sont d'authentiques réfugiés, fuyant la guerre, la persécution ou la misère, et qui dans leur recherche d'une vie meilleure, ont vraiment besoin de notre accueil désintéressé et généreux.

La liturgie et l'ouverture du cœur

La liturgie, spécialement dans sa fonction d'intercession, porte devant Dieu toute la misère humaine. Elle présuppose donc toute la compassion d'un Dieu qui aime les hommes. Dieu souffre avec nous, c'est bien là le sens étymologique du concept de compassion. Jésus est venu partager notre condition humaine souffrante. Il est donc à même de comprendre toutes nos détresses. La sainte Famille dut prendre le chemin de l'exil en Égypte, pour échapper à la fureur d'Hérode. Ce séjour en Égypte rappelle le séjour du peuple d'Israël qui fut un peuple d'immigrés et qui souffrit dans la suite un dur esclavage, à la suite de sa situation particulière, au sein d'un autre peuple, qui était chez lui dans son pays. Cela signifie donc que la souffrance des migrants tient une place particulière dans le cœur de Dieu.
Notre premier devoir est donc l'intercession. En priant pour les migrants et les réfugiés, pour les victimes de la guerre et de la persécution, notre cœur va s'ouvrir à la détresse de nos frères humains et nous commencerons à vivre une communion et une solidarité spirituelles avec l'humanité souffrante. Notre prière doit être souvent reprise à cette intention. Par exemple, devant le Saint-Sacrement, dans le cadre d'un temps d'adoration, nous prendrons le temps de porter devant le Seigneur toute la misère du monde. Jésus, présent réellement dans l'eucharistie, n'y cesse de répandre sa compassion et sa tendresse sur tous les hommes qui en ont besoin. Il est lui-même si souvent abandonné dans nos églises, victime de notre froideur et de notre ingratitude indifférente, qu'il est un peu comme un migrant parmi nous. Les sœurs de Mère Thérèse de Calcutta font cette expérience spirituelle que leur amour pour les pauvres trouve sa source dans la contemplation et l'adoration de Jésus-Hostie.
Si nous entrons dans une prière fervente pour les migrants, notre mentalité et notre attitude va changer. Notre cœur va ressembler davantage au cœur de Jésus. Nous deviendrons des êtres accueillant l'autre. De même que nous sommes aimés de Dieu, tels que nous sommes, nous nous mettrons à aimer les autres tels qu'ils sont. Notre amour sera inconditionnel, comme l'amour divin. « L'Église a besoin de vous et vous soutient dans le généreux service que vous rendez. Ne vous lassez pas de vivre avec courage le bon témoignage de l’Évangile , qui vous appelle à reconnaître et à accueillir le Seigneur Jésus, présent dans les plus petits et les plus vulnérables », nous dit le pape François dans son message pour la journée mondiale du migrant et du réfugié du 15 janvier 2017. Et dans le message pour la prochaine journée des migrants en 2018, le Saint Père précise : « Tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque accueilli ou rejeté (cf. Mt 25, 35.43). Le Seigneur confie à l’amour maternel de l’Église tout être humain contraint à quitter sa propre patrie à la recherche d’un avenir meilleur (Cf. Pie XII, Constitution apostolique Exsul Familia, Titulus Primus, 1er août 1952). Cette sollicitude doit s’exprimer concrètement à chaque étape de l’expérience migratoire : depuis le départ jusqu’au voyage, depuis l’arrivée jusqu’au retour. C’est une grande responsabilité que l’Église entend partager avec tous les croyants ainsi qu’avec tous les hommes et femmes de bonne volonté, qui sont appelés à répondre aux nombreux défis posés par les migrations contemporaines, avec générosité, rapidité, sagesse et clairvoyance, chacun selon ses propres possibilités ».

Le Christ fait notre unité

Dans son épître aux Éphésiens, saint Paul a ces paroles admirables : A présent dans le Christ, vous qui étiez loin, vous êtes arrivés tout près dans le Christ. Car c'est lui qui est notre paix, qui de deux a fait un seul, en détruisant le mur de clôture par sa chair, en abolissant dans sa chair la Loi des commandements qui consiste en décrets, pour créer en lui de deux un seul homme nouveau en faisant la paix et pour les réconcilier l'un et l'autre avec Dieu en un seul corps par la croix, en tuant la haine en lui. Il vint annoncer la paix à ceux qui étaient loin et la paix à ceux qui étaient près. Car c'est par lui que nous avons accès l'un et l'autre en un seul esprit auprès du Père. Ainsi donc vous n'êtes plus des hôtes ni des étrangers, mais vous êtes des concitoyens des saints, des membres de la maison de Dieu (Eph. 2, 13-19). Quel souffle dans ces paroles empreintes de mysticisme ! Saint Paul ici parle de l'unité nouvelle entre les juifs et les païens, mais ces paroles peuvent très bien s'appliquer à la situation que nous connaissons actuellement.
Plusieurs vérités importantes sont rappelées dans ces paroles de l'apôtre. Il y a d'abord l'unité fondamentale du genre humain. Tous nous sommes les descendants d'Adam et Eve. Malgré les différences de race, l'humanité est foncièrement une. Le péché a toutefois morcelé notre unité. Mais le Christ est mort sur la croix pour rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés. Nous sommes donc appelés à vivre cette unité, par-delà toutes nos différences secondaires. Malgré les apparences contraires, nous sommes tous des étrangers sur la terre. Fondamentalement, même si nous vivons dans notre pays d'origine et si tout s'y passe bien, nous ne sommes pas de ce monde. Nous sommes en exil loin de notre patrie véritable. C'est le Christ seul qui fait de nous des hommes qui se sentent chez eux dans la maison du Père céleste. Nous sommes donc spirituellement proches de ceux qui sont effectivement des exilés, au sens humain du terme. Il existe des barrières entre les hommes, mais le Christ les a renversées et nous ne devons pas les édifier à nouveau. Le Christ nous donne la paix céleste, la paix du cœur. Et cette paix, nous devons la rayonner autour de nous, en étant des artisans de paix et de réconciliation dans la société où nous vivons. Les circonstances historiques présentes sont une occasion providentielle qui rendent actuelles l'enseignement de saint Paul. C'est bien une parole prophétique que le pape François tient dans son message pour la journée des migrants de 2018 : « Durant les premières années de mon pontificat, j’ai exprimé à maintes reprises une préoccupation spéciale concernant la triste situation de nombreux migrants et réfugiés qui fuient les guerres, les persécutions, les catastrophes naturelles et la pauvreté. Il s’agit sans doute d’un ‘‘signe des temps’’ que j’ai essayé de lire, en invoquant la lumière de l’Esprit Saint depuis ma visite à Lampedusa le 8 juillet 2013. En créant le nouveau Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, j’ai voulu qu’une section spéciale, placée ad tempus sous mon autorité directe, exprime la sollicitude de l’Église envers les migrants, les personnes déplacées, les réfugiés et les victimes de la traite ».
Puissions-nous donc discerner ces signes de temps et faire confiance en notre Dieu, qui sait où il veut nous conduire à travers les événements qui secouent notre monde d'aujourd'hui.






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